Racso Jugarap présente les histoires de son enfance

Racso Jugarap est un artiste spécialisé dans la création d'œuvres en fil de fer.

Je me suis entretenu avec Racso pour découvrir les coulisses de son travail.

Quand avez-vous découvert votre passion pour la création artistique ?

Depuis toute petite, j'aimais déjà créer des choses avec mes mains. Je ne considérais pas cela comme de l'art, ou je ne me considérais pas comme un artiste à l'époque. Je me contentais de créer.

C'était tabou dans ma culture d'être appelé artiste. Mais lorsque j'ai déménagé à Bruxelles en 2015, cela a changé ma perspective sur l'idée de devenir un artiste. Ainsi, en 2017, je suis devenue une artiste à temps plein.

Qu'est-ce qui vous a poussé à travailler avec du fil de fer ?

Je pense que c'est le contact avec l'atelier de mon père dans ma jeunesse qui a tout déclenché - il était créateur de bijoux.

J'ai vu mon père transformer de l'or ou de l'argent brut en un bijou fini - je me souviens avoir été étonné qu'il puisse faire de la magie avec ses seules mains et ses outils.

Cela a implanté la graine de la créativité en moi. Il me laissait jouer avec ses outils pour créer des jouets que je donnais en cadeau à mes amis.

À l'époque, je n'avais pas le droit de toucher les métaux précieux, mais ils me laissaient jouer avec les fils de métal que je ramassais sur le sol - des fils qu'ils utilisaient pour lier les matériaux de moulage pendant le processus de fabrication des bijoux. Ce studio est devenu mon terrain de jeu. Je suppose que c'est ainsi que j'ai commencé à travailler avec les fils.

Mon père voulait que je devienne créatrice de bijoux et que je poursuive l'entreprise familiale.

Des années plus tard, la vie m'a fait quitter les Philippines pour l'Europe, non pas en tant que créateur de bijoux, mais en tant que chef cuisinier. Un jour, j'étais dans une quincaillerie pour acheter du matériel de jardinage. J'ai trouvé ces rouleaux de fil métallique - j'avais l'impression qu'ils m'appelaient pour que je les regarde. Tout à coup, tous ces souvenirs d'enfance me sont revenus en mémoire - je jouais avec ces fils quand j'étais petite, la joie et les rires que j'avais à cette époque. Où étaient passés tous ces souvenirs ? Alors, j'ai pris des fils, je les ai ramenés à la maison et j'ai recommencé à jouer avec eux.

Le fil métallique est très malléable : si vous le traitez comme du tissu, vous pouvez en faire presque tout ce que vous voulez.

Je n'ai jamais fait d'école d'art ou de design. Je n'arrive pas à m'exprimer en 2D - cela me stresse. Cette frustration m'a conduit à modeler mes idées à l'aide de fils - ils servent d'encre pour concrétiser mes idées.

Vous êtes originaire des Philippines mais vous avez élu domicile à Bruxelles. Pourquoi Bruxelles est-elle un bon endroit pour s'installer ?

J'ai voyagé dans toute l'Europe et j'ai beaucoup déménagé en raison de mon précédent emploi de chef cuisinier. Lorsque j'ai découvert Bruxelles, j'en suis tombé amoureux - les gens, le caractère métropolitain de la ville, la place de l'art et du design dans la vie de chacun. C'est un peu fou parfois, mais juste ce qu'il faut de folie pour une personne folle comme moi.

Je suppose que c'est un match fait au paradis.

Quel est le processus créatif que vous suivez pour construire vos pièces ?

Mettons les choses au clair - je ne dessine pas. Je ne peux tout simplement pas dessiner. Ainsi, dès qu'une idée, une forme ou un concept me vient, je dois l'exécuter immédiatement, sinon je l'oublie.

Les idées me viennent à travers des souvenirs, des sensations, des méditations et - ce qui est embarrassant - parfois après quelques verres de vin au cours d'un dîner avec mes amis, en particulier lorsque mon esprit est fatigué de traduire ce que tout le monde dit.

Je me surprends parfois à regarder un mur vide et la forme ou l'idée me vient comme ça. Je dois alors m'excuser de ce que je suis en train de faire et me précipiter dans mon atelier pour y travailler jusqu'au matin - ce que ferait un fou.

Je me considère comme un artiste intuitif. Je planifie rarement mes pièces en fil de fer. Je déteste même mesurer - ce n'est que lorsque la pièce est terminée que j'en connais les dimensions.

Parfois, je me maudis de ne pas avoir planifié à l'avance, surtout lorsque la pièce ne passe pas par une porte et qu'il faut la faire sortir du bâtiment.

Il peut me falloir entre quelques heures et quelques mois pour terminer une pièce. Cela dépend de l'humeur, ou si je me sens inspiré et motivé, ou parfois l'échéance des spectacles me rappelle qu'il faut arrêter de tergiverser et se bouger le cul.

Y a-t-il un thème spécifique que vous explorez avec les pièces que vous exposez actuellement ?

J'ai eu l'inspiration pour raconter l'histoire de mon enfance.

Des souvenirs du goûter d'enfance que mes frères et sœurs et moi partagions, au figuier sur lequel mes amis d'enfance et moi avions l'habitude de grimper, en passant par l'expérience traumatisante de ma foi passée et la façon dont je suis entrée dans la spiritualité.

Je partage ces histoires en utilisant mes fils.

Qu'espérez-vous que les gens ressentent lorsqu'ils découvrent votre travail ?

Lorsque j'ai eu 18 ans - j'en ai maintenant 32 - c'est à ce moment-là que j'ai pu voyager et travailler à l'autre bout du monde. C'est aussi le moment où j'ai appris que je devais me défendre parce que ma famille n'est plus là. J'ai appris à être indépendante et à être responsable tout de suite. L'âge adulte. Je suis devenue très sérieuse à propos de tout. Je devais m'occuper de moi puisque personne d'autre ne le ferait. J'ai perdu l'enfant qui était en moi.

Je veux donc que les gens redécouvrent l'enfant qui est en eux. Je veux qu'ils se souviennent de ces souvenirs d'enfance perdus depuis longtemps, comme je l'ai fait pendant la création des pièces de ce spectacle. Je veux qu'ils rient à nouveau, qu'ils dansent sous la pluie, qu'ils mangent des glaces, qu'ils sortent ce skateboard qui prend la poussière dans leur cave, qu'ils chantent comme si personne ne regardait, qu'ils fassent des grimaces. Grimpez à un putain d'arbre. Allez-y et faites des choses sans avoir peur d'avoir l'air stupide aux yeux de tous ceux qui vous entourent. Soyez libre. Soyez enfantin - en faisant ressortir la curiosité que vous aviez quand vous étiez enfant - mais pas enfantin.