En plus d'être juge dans l'affaire Drag Race BelgiqueMustii est un artiste multidisciplinaire. Vous pourrez voir l'acteur en Hippolyte Leibovici et Michiel Blanchartde ses prochains films. Vous pouvez également écouter son dernier album "C'est maintenant que ça se passe"ou sur scène à "Les Nuits Bota"le 7 mai.
Parlez-nous un peu de vous. Quel a été votre parcours ?
Je m'appelle Thomas Mustin (Mustii est mon nom de scène et le nom de mon projet musical, c'est simplement un dérivé de mon nom de famille), je vis à Bruxelles depuis longtemps mais j'ai étudié l'art dramatique à l'I.A.D. de Louvain la Neuve. J'ai toujours rêvé d'être acteur depuis mon enfance. Je n'ai jamais voulu faire autre chose depuis le premier choc que j'ai eu sur scène lors d'un cours de théâtre auquel mes parents m'avaient inscrit car j'étais un enfant particulièrement timide, pas très à l'aise socialement... Mais paradoxalement, la scène a été un déclic, une révélation, une thérapie. Dès l'âge de 7/8 ans, j'ai su que je voulais en faire mon métier. J'ai terminé mes études à l'I.A.D en 2012 et depuis j'ai eu la chance de varier les rôles entre le théâtre, la télévision et le cinéma. A la sortie de l'école, j'ai joué Benvolio dans un "Roméo et Juliette" bilingue mis en scène par Yves Beaunesne aux côtés de célèbres acteurs flamands comme François Beukelaers et Evelien Bosmans entre autres... Ce fut ma première grande tournée théâtrale en France, en Flandre et en Wallonie. Toujours au théâtre et plus récemment, j'ai joué le rôle d'Hamlet entre 2019 et 2022, dans une mise en scène d'Emmanuel Dekoninck. Ce fut une grande expérience car c'est un rôle magnifique et tellement complexe pour un acteur, c'est une sorte de graal. De plus, la musique live faisait partie intégrante de la mise en scène, c'était une version relativement "rock" de la pièce. A la télévision, ma première grande expérience a été la série "La Trêve" (saison 1, RTBF/Netflix/France 2) qui a été un grand succès et bénéfique pour le monde des séries belges. Après avoir joué différents rôles à la télévision, j'ai pu incarner Patrick Dils sur France 2 aux côtés de Mathilde Seigner. Le téléfilm raconte l'histoire d'une des plus importantes erreurs judiciaires françaises, et ce rôle a été un moment fort pour moi. Pour le cinéma, j'ai joué dans le film d'époque " L'Échange des Princesses " réalisé par Marc Dugain pour lequel j'ai eu la chance de remporter un Magritte du meilleur espoir masculin en 2019, ce qui m'a conforté dans l'idée que je devais continuer à creuser cette voie.
À côté de cela, la musique est devenue de plus en plus importante. Au début, je la faisais seul dans mon kot d'étudiant avec mes synthétiseurs. Puis, petit à petit, c'est devenu une évidence et j'ai créé mon premier groupe de rock. J'ai créé mon projet solo MUSTII pour maîtriser mes idées et mes envies. Je chante depuis mon enfance. J'ai baigné dans la collection de vinyles de mon père (Lou Reed, Black Sabbath, Led Zeppelin, Rolling Stones). A l'adolescence, la découverte de l'intégralité du répertoire de David Bowie est devenue instantanément une source d'inspiration qui me nourrit encore aujourd'hui. Je revendique la pluridisciplinarité (comme les drag queens) et les échanges entre différentes formes artistiques. Le théâtre et le cinéma m'inspirent dans ma musique. Je déteste les étiquettes et les catégories. Je préfère créer des ponts. Je pense que l'on peut faire du mainstream comme de l'indie/alternatif. J'en suis à un stade où je ne veux pas avoir à choisir. Choisir, c'est renoncer et je ne veux renoncer à rien. Je veux tout goûter, tout essayer tant que je reste honnête avec moi-même et que je prends du plaisir.
Quels sont vos projets actuels ou futurs ?
Récemment, j'étais avec Pierre Deladonchamps et Camélia Jordana dans le long métrage "Vous n'aurez pas ma haine". Je viens de terminer le tournage du prochain court métrage d'Hippolyte Leibovici "Beyond The Sea" qui devrait être présenté dans un festival dans quelques mois, j'étais très heureux car son premier court métrage "Mother's" était magnifique. L'histoire de Beyond The Sea est également liée au monde du cabaret et des drag queens. Je vis vraiment une année très drag queens. Au printemps, je jouerai dans le prochain film de Michiel Blanchart, "La nuit se traîne", aux côtés de Romain Duris et de Jonas Bloquet. Côté musique, j'ai sorti en janvier 2022 mon dernier album "It's Happening Now" en hommage à mon oncle atteint de schizophrénie. J'ai encore quelques concerts à venir comme celui du 7 mai aux Nuits du Botanique. Je suis déjà en studio pour préparer le prochain ! Je rêve toujours de réaliser mon premier court-métrage.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours en tant que juge de la première saison de Drag Race Belgique ? Comment vous êtes-vous préparée ? Qu'avez-vous appris ? Comment vous êtes-vous sentie à la fin du tournage ?
Honnêtement, j'ai adoré cette expérience. Je suis passée par toutes les émotions possibles. C'était un nouveau défi passionnant, car je suis fan de Drag Race depuis longtemps et je suis également passionnée par la scène queer et la scène drag belge. Au début, j'ai peut-être eu un peu peur, comme si je souffrais du syndrome de l'imposteur, en me demandant "qui suis-je pour porter un jugement ? Puis j'ai rapidement changé de point de vue. Il fallait que j'y aille en vrai spectateur, avec une spontanéité sincère. Je voulais vivre des émotions fortes et intenses et c'est ce que j'ai fait ! Je ne me suis pas préparée. Je suis un spectateur de cabaret. J'y suis allé avec mon bagage d'interprète/acteur et de musicien, avec ma sensibilité, avec l'envie de partager mes sentiments. Je voulais mettre en lumière ces artistes magnifiques et complexes. Le milieu de la drague est aussi une source d'inspiration pour moi, consciemment et inconsciemment. Je suis une éponge et j'y ai donc puisé beaucoup de choses. Participer à ce spectacle n'a fait que confirmer le respect que j'ai pour ces artistes. Ils manient les codes de la culture pop et alternative comme personne. C'est fascinant et inspirant de les voir si dévoués à leur art. Ils ont l'urgence et le besoin de se transcender sur scène parce qu'ils ont, en quelque sorte, un message important à délivrer. La seule petite crainte après le tournage est que ce spectacle va probablement faire enrager et crisper les détracteurs et les bigots. Il faut être fort pour y faire face, expliquer les codes et essayer de garder la tête froide.
Qu'avez-vous pensé des performances/talents des reines pendant le spectacle ? Qu'est-ce qui vous a le plus impressionné ?
Je pense qu'il y a quelques moments inoubliables dans cette saison. Le plus fort, c'est quand il y a une vraie cohérence dans la proposition et une unité magique entre le look, le maquillage, l'attitude et le jeu des acteurs. Nous sommes à la croisée des chemins entre les arts. Nous oscillons parfois entre les arts visuels, la mode, le design et le jeu d'acteur. J'ai été subjuguée par leurs talents et leur force mais aussi par la solidarité dont elles font preuve, par la gentillesse et la sororité qui sont le fondement de ce spectacle. Certains looks et performances m'ont profondément impressionnée, mais par souci de neutralité et parce que l'émission est encore en cours de diffusion, je ne les mentionnerai pas ici. Félicitations également aux reines flamandes qui ont su se donner à fond dans cette émission sans qu'elle soit dans leur langue maternelle.
Que signifie pour vous le fait de faire partie de la communauté queer belge ?
C'est une communauté tellement multiple, complexe, talentueuse et riche. Plus j'avance, plus je me rends compte qu'il y a des combats à mener car les formes de jugement, de harcèlement et de violence sont encore présentes dans nos sociétés. Faire partie de cette communauté est une fierté. Elle permet à chacun d'entre nous d'avoir une place, une représentation, des modèles. La nouvelle génération peut se sentir libre d'être ce qu'elle ressent au plus profond de ses tripes. Je me considérais comme "bi", mais plus j'avance, plus je refuse les étiquettes, j'aime les gens, les êtres humains singuliers et libres. On a le sentiment (du moins en Belgique) que cette communauté peut enfin s'affirmer de plus en plus, se révéler, vivre pleinement, mais de manière contrastée, on assiste aussi à des formes de violence plus aiguës. La peur et l'ignorance sont des poisons. Dès que leur assise est un peu ébranlée, les bigots bloquent et attaquent. Mais leurs armes sont et resteront insuffisantes. Nous devons continuer à essayer d'expliquer que les queers, les lgbtqia+, les êtres humains inscrits en dehors de l'hétéronormativité ne forment pas un lobby pour changer l'orientation des enfants ou faire de la propagande. Cela n'a rien à voir avec cette vision obscure et conspirationniste. Il faut leur dire qu'il s'agit surtout d'exister sereinement, et pleinement. C'est un appel à l'empathie et au vivre ensemble et en aucun cas une façon d'imposer quoi que ce soit. La route est longue mais il nous appartient de la mener avec fougue, flamboyance et détermination.
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