Qu'est-ce qui pourrait faire de Bruxelles une ville sûre pour les personnes homosexuelles ?

"Vous devriez être brûlé sur le bûcher !"

Cette phrase résonne encore dans ma tête, plus de 15 ans après qu'elle m'ait été lancée. C'était par une belle nuit d'automne. Je marchais le long de la Seine à Paris. Je pouvais sentir l'air frais de l'automne sur mon visage, mais je m'en fichais. J'étais juste heureuse, tenant la main de mon petit ami. Alors que nous dépassions un autre promeneur, je l'ai entendu prononcer cette phrase dans un grognement à peine étouffé. Mon sang s'est figé en un instant, comme si j'avais reçu une gifle en plein visage. Le marcheur ne s'est pas arrêté. Il n'a pas mis sa menace à exécution.

Les jours suivants, je ne me sentais ni secoué ni alarmé. Juste en colère. En colère qu'au début du 21e siècle, certaines personnes puissent encore ressentir autant de haine envers les autres au point de proférer des menaces de mort en croisant des gens dans la rue. Pourtant, je n'ai pas signalé cette agression.

Heureusement, depuis que j'ai emménagé à Bruxelles, je n'ai plus été victime d'attaques verbales aussi dures, ni d'agressions physiques pour mon homosexualité. Ce n'est malheureusement pas le cas pour beaucoup de personnes LGBTQI+, même dans un pays considéré comme ouvert comme la Belgique. Il y a trois semaines à peine, David Polfliet a été assassiné dans un parc de Beveren, dans ce qui semble être un crime motivé par la haine des personnes LGBTQI+. Dans ce contexte, on peut se demander si nos droits sont mieux protégés en Belgique que dans d'autres pays. La Belgique et sa capitale sont-elles des lieux sûrs pour les personnes homosexuelles ?

Droits des LGBTQI+ en Belgique

Pour répondre à ces questions, nous pouvons tout d'abord nous pencher sur les éléments suivants ILGA Europe Rainbow index qui classe les 49 pays d'Europe en fonction de leurs lois et politiques de soutien et de protection des personnes homosexuelles.

Cet indice est basé sur une liste de toutes les lois et politiques qu'un pays pourrait adopter et mettre en œuvre afin de garantir la protection et la non-discrimination de toutes les personnes LGBTQI+. Il couvre par exemple la protection contre la discrimination au travail, le droit de la famille, la protection contre les crimes et les discours de haine, la reconnaissance légale du genre pour les personnes trans, la protection de l'intégrité corporelle pour les personnes intersexuées, la capacité à être visible dans l'espace public et le droit d'asile pour les personnes queer dans le pays.

L'indice répertorie donc tous les types de lois et de politiques réclamés par les associations LGBTQI+ du monde entier. IGLA examine combien de ces lois et politiques sont adoptées et mises en œuvre dans chaque pays d'Europe - si vous faites tout, vous avez un score de 100%, et si vous ne faites rien, vous avez un score de 0%.

En 2020, Malte s'est classée première avec un taux de conformité de 89%. La Belgique s'est classée deuxième, à égalité avec le Luxembourg, avec 73%. C'est bien, mais cela montre qu'il y a encore du travail à faire en Belgique pour garantir les pleins droits et la protection des personnes LGBTQI+. En comparaison, la France est à 56%, l'Allemagne à 51%, la Croatie à 46% et la Hongrie à 33%. L'Italie est le pays d'Europe occidentale qui se classe dernier avec seulement 23%. En bas de ce classement, on trouve la Russie avec 10%, la Turquie avec 4% et l'Azerbaïdjan avec 2%.

Cet index ne décrit que le cadre, les lois et les politiques en vigueur, mais pas la manière dont elles sont mises en œuvre. Ni comment elles protègent, ou non, les personnes LGBTQI+ dans la vie quotidienne. Alors, comment les personnes homosexuelles vivent-elles la vie en Belgique ?

Le retour d'expérience des personnes LGBTQI+ vivant en Belgique

A Enquête européenne de 140K personnes LGBTQI+ - réalisée par l'agence européenne des droits fondamentaux en 2019 - nous fournit quelques éléments pour évaluer à quel point les personnes queer se sentent en sécurité en Belgique.

Publiés en 2020 - avec le titre évocateur de "Un long chemin vers l'égalité" - les résultats de cette enquête nous apprennent que :

  • 56% des répondants LGBTQI+ vivant en Belgique pensent que le gouvernement combat efficacement les préjugés et l'intolérance (9e rang - la moyenne est de 33%).
  • 34% des partenaires de même sexe évitent jamais ou rarement de se tenir la main en public par crainte d'être agressés, menacés ou harcelés (16e rang - la moyenne est de 39%).
  • 37% des personnes LGBTQI+ évitent souvent ou toujours certains endroits par crainte d'être agressées, menacées ou harcelées (10e rang - la moyenne est de 34%).
  • 42% ont été victimes de harcèlement en raison de leur statut de LGBTQI+ au cours de l'année précédente (4e rang - la moyenne est de 38%).
  • 14% ont subi une agression physique ou sexuelle parce qu'ils sont LGBTQI+ au cours des cinq dernières années (3e rang - la moyenne est de 11%) et seulement 20% d'entre eux ont signalé ces crimes à la police.
  • 22% n'ont pas signalé une agression physique par crainte d'une réaction homophobe ou transphobe lorsqu'ils signalent une telle agression à la police.

Ces données nous montrent que même dans un pays ouvert comme la Belgique et une ville ouverte comme Bruxelles, il y a encore beaucoup à faire pour que les personnes LGBTQI+ se sentent en sécurité et protégées dans leur vie quotidienne.

Une action importante qui pourrait contribuer à mettre en lumière la question de la sécurité des LGBTQI+ consisterait à signaler toute agression ou discrimination de quelque nature que ce soit afin d'obtenir une vision plus précise de la situation actuelle des personnes homosexuelles dans la ville. Actuellement, il existe deux structures auxquelles de telles agressions peuvent être signalées en Belgique :

  • Unia - le Centre interfédéral pour l'égalité des chances, qui traite de l'homophobie ou des discriminations fondées sur l'orientation sexuelle.
  • L'Institut pour l'égalité des hommes et des femmes, qui traite de la transphobie, de la discrimination des personnes intersexuées et de toutes les discriminations liées à l'identité et à l'expression de genre.

Contrairement à ce que j'ai fait il y a 15 ans, il est important de signaler toute agression ou agression verbale à ces structures afin que les données qu'elles recueillent reflètent la réalité de la situation des personnes LGBTQI+ en Belgique.

Vous pouvez le faire par les moyens suivants :

Le signalement de tous les incidents est une première étape pour attirer l'attention des responsables politiques sur cette question, afin de créer une dynamique qui permettra à la Belgique d'atteindre rapidement le score de 100% dans l'indice ILGA Rainbow.

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