Elisa VDK - Capturer Bruxelles d'une perspective féministe et queer

Elisa VDK (elle) est une vidéaste, lesbienne et féministe basée à Bruxelles. Son premier documentaire "Les Nouvelles Guérillères", vise à mettre en lumière les collectifs féministes bruxellois et leurs luttes quotidiennes pour rendre Bruxelles et son espace urbain plus égalitaire, moins sexiste et moins raciste.

Ces collectifs travaillent de différentes manières : collages, balades à vélo, marches féministes et de décolonisation. Ce documentaire met donc en lumière les discriminations et le harcèlement subis au quotidien par les femmes et les minorités de genre à Bruxelles, mais révèle aussi, de manière plus positive, toutes les formes d'actions mises en place pour contrer le patriarcat.

J'ai rencontré Elisa pour discuter de son travail en tant qu'artiste vidéo et féministe à Bruxelles.

Selon elle, "queer", "documentaire" et "culturel" seraient les trois mots qui définissent le mieux ses projets actuels.

Quels sont les défis que vous avez dû relever en tant que femme et lesbienne dans le domaine de l'audiovisuel ?

Honnêtement, j'ai eu beaucoup de chance. J'ai le sentiment d'avoir eu de la chance au cours de ma carrière, d'abord comme employé dans une société de communication en tant que journaliste vidéo, puis comme indépendant depuis plus de huit ans maintenant.

Peut-être parce que c'est quelque chose [l'orientation sexuelle] sur lequel je n'ai pas particulièrement insisté et que j'ai eu des personnes bienveillantes autour de moi. Cependant, j'ai beaucoup d'amis dans le monde de l'audiovisuel qui ont souffert et ont été discriminés soit à cause de leur genre, soit à cause de leur orientation sexuelle, ou même simplement parce que je suis une femme et que je suis considérée comme quelqu'un qui a encore tout à apprendre alors qu'elle est ultra talentueuse.

Avez-vous le sentiment que ce secteur est encore principalement orienté vers les hommes ?

Oui, soyons honnêtes, je suis un freelance donc je travaille parfois en équipe mais la plupart du temps je suis monteur, caméraman et je fais souvent toutes les étapes de la production audiovisuelle tout seul.

Par contre, quand je travaillais dans cette entreprise de communication, il n'y avait que des mecs ! Les filles n'avaient que les postes de journalistes. Du côté technique, c'était surtout des hommes.

Maintenant, la seule personne que je peux citer en exemple et dont je peux donner le contact en tant que vidéaste femme queer cool est Diana Vos. Je l'ai rencontrée par hasard, pendant le tournage de mon documentaire. Au-delà de l'homosexualité, c'est la première vidéaste féminine que je peux recommander, qui a du talent et qui fait le même travail que moi. Et c'est fou, parce que je l'ai rencontrée il y a seulement deux ans.

Votre travail a-t-il eu un impact sur votre vision de Bruxelles d'une manière ou d'une autre ?

Hum, ça dépend. Comme je suis bruxelloise, il y avait une volonté de montrer ce qu'était Bruxelles dans ce documentaire. Mais en fait, c'est vrai que filmer la ville et plus particulièrement, filmer avec les collectifs de la ville, ça a donné une dimension très intéressante.

Si vous me demandez s'il y a un avant/après, oui clairement, il y avait des endroits que je trouvais cool ou devant lesquels je passais depuis des années sans jamais me poser de questions, qui sont devenus, effectivement, un peu un déclencheur parce que ces collectifs m'ont informé, par exemple, sur l'aménagement de ces lieux, qui était très mal pensé, ou sur certaines zones dangereuses quand on est une femme ou une minorité de genre et qu'on rentre à une certaine heure de la nuit.

Alors c'est vrai que je voulais montrer la ville de Bruxelles parce qu'elle était belle et qu'il y avait certains endroits que j'aimais beaucoup, mais après avoir abordé ces thèmes du genre et du harcèlement, j'ai une nouvelle façon de regarder certains endroits que j'ai toujours connus. Je les vois à travers les témoignages des femmes* que j'ai interviewées.

Auriez-vous une anecdote liée à votre documentaire à partager avec nous ? Une anecdote du tournage ou d'une projection ?

Oui, il y a une anecdote qui m'a un peu frappé. On faisait des interviews avec chaque personne ou chaque groupe dans un endroit extérieur et systématiquement, à chaque fois qu'on atterrissait dans un nouvel endroit (l'interview durait environ une heure), au bout d'une vingtaine de minutes il y avait quelqu'un qui venait nous embêter, soit des flics, soit des mecs bourrés, soit des mecs qui voulaient absolument intervenir parce qu'ils voyaient une caméra et qu'apparemment ils avaient quelque chose de très important à dire.

C'est fou, parce qu'à un moment donné, c'est devenu un tel leitmotiv, une chose récurrente dans chaque interview, que j'ai voulu le mettre dans le documentaire pour montrer toutes ces séquences de "making off" où les gars viennent vraiment et sont vraiment agaçants. Et finalement, je me suis dit "ben non, on ne va pas leur laisser de place, on va laisser parler ces collectifs".

En fait, on ne peut pas être tranquille plus de trente minutes, dès qu'on est statique dans un endroit dans la rue, dans l'espace urbain, on vient vous embêter.

Votre documentaire a-t-il été diffusé dans les écoles ? Et quelles ont été les réactions de ce jeune public ?

Oui, il a été diffusé dans trois écoles de Bruxelles. Mais effectivement, après les premières diffusions, j'ai eu beaucoup de retours me disant que c'était un documentaire d'intérêt public, qu'il devait être utilisé comme outil pédagogique par les enseignants.

C'est vrai que quand j'avais 8, 10 ou 12 ans, ça aurait été vraiment bien pour moi de découvrir tous ces collectifs, parce que je me posais beaucoup de questions. Et puis dans la cour de récréation c'est toujours un peu délicat, c'est là qu'on apprend un peu les codes du patriarcat et comment on doit se comporter en société.

Mais oui, nous devons encore faire pression pour qu'il soit montré dans les écoles !

Son prochain projet portera sur le genre non-binaire et l'art de la performance... Restez à l'écoute 😉.

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