Not All Cis, un spectacle comique d'Ada

Après avoir co-organisé les "Proud Comedies" à Le cercle des fousAda est maintenant prête à présenter son spectacle de stand-up transgenre "Not All Cis".

AVIS : A la demande d'Ada, nous publions cet avis concernant l'interview réalisée par KET Magazine. La version finale du texte, que vous trouverez ci-dessous, a été validée par Ada. Cependant, selon Ada, la version abrégée du texte qui a été publiée dans la version imprimée du magazine déforme ses propos et ne représente plus parfaitement la vision qu'elle souhaitait communiquer. Nous tenons à nous excuser auprès d'Ada. Nous n'avions pas l'intention de déformer ses propos et nous tenons à préciser que notre objectif est uniquement de mettre en valeur le travail et les opinions des personnes que nous avons choisi d'interviewer.

Parlez-nous un peu de vous. Quel a été votre parcours ?

Je suis Ada, pronoms "elle/homme". La société m'attribue une identité de genre et un signe astrologique qui ne me correspondent pas. J'ai toujours ressenti un décalage entre mon monde intérieur et certaines normes arbitraires de la société. Sans modèle de genre, je croyais être un homme gay, mais ce n'est pas le cas. Pendant les lockdowns, j'ai réalisé que ma divergence par rapport à ces normes n'était pas liée à mon orientation sexuelle, mais à mon identité de genre. J'ai alors progressivement pris conscience de ce que cela impliquait et je l'ai longtemps refusé. J'avais été éduquée à ne pas respecter les minorités de genre. Comme beaucoup de gens, n'est-ce pas ? Avec le temps et le soutien de la communauté, j'ai accepté ce que je n'avais pas choisi d'être et j'ai appris à m'aimer. Par la suite, j'ai entamé des processus qui m'apportent aujourd'hui une joie de vivre et un sentiment d'émerveillement que je n'aurais jamais cru possibles dans toute mon existence.

Quels sont vos projets actuels ou futurs ?

Mon spectacle comique, intitulé "Not All Cis". C'est un projet sur lequel j'ai commencé à travailler peu après mon coming out, il y a un peu plus d'un an. J'ai fini de l'écrire au début de l'été 2023. Je remercie les salles de slam bruxelloises où j'ai toujours été bien accueillie, ainsi que les salles d'humour Atout, OpenMic.be et Le Glou. Sur ces scènes, j'ai expérimenté l'art d'écrire de l'humour sur des sujets profondément intimes, parfois délicats et très beaux. Le spectacle "Not All Cis" mêle le standup, la chanson, le théâtre et le slam, transcendant les frontières arbitraires entre les genres scéniques pour être ce qu'il est : une œuvre transgenre. Cet été, après avoir terminé l'écriture, j'ai organisé des lectures privées pour obtenir des commentaires et apporter des améliorations finales. Depuis la fin du mois d'août, j'ai entamé une série de lectures publiques, avant de proposer la pièce dans les théâtres qui souhaitent l'accueillir. J'ai projeté toute la sévérité et l'exigence que je peux avoir envers moi-même dans l'écriture de ce texte. Et les retours ont dépassé mes espérances.

Que signifie pour vous le fait de faire partie de la communauté queer de Bruxelles ?

Je ne m'identifie pas au mot "queer". À l'origine, il s'agit d'une insulte que de nombreuses personnes récupèrent de manière positive, mais ce n'est pas mon cas. Tout le monde peut s'identifier librement, mais n'est-il pas discutable d'imposer des étiquettes aux autres sans leur consentement, surtout une étiquette aussi violente sur des sujets aussi sensibles et personnels ? Certains gays se sont réappropriés le mot "f*ggot" pour en tirer de la force, tant mieux pour eux. Mais ne serait-il pas gênant qu'il devienne le mot par défaut pour décrire tous les gays ? Je pose simplement la question. Pour moi, "queer" est une insulte à laquelle je ne m'identifie pas : Je ne suis pas bizarre, je suis tel que la nature m'a créé. Il y a des gens qui nous détestent et qui sont très heureux que nous nous décrivions comme "queer" parce que cela leur donne raison : "ils confirment qu'ils sont bizarres ! J'exerce mon droit de leur refuser cela. Pourquoi utilisons-nous par défaut un mot qui était une insulte, plutôt qu'un terme aux racines positives ? Cela me semble essentiel car les mots sont une interface majeure avec la réalité. Je ne suis pas "queer", je ne l'ai jamais été et je ne le serai jamais : Je choisis d'être fière de ce que je n'ai pas choisi d'être. Vivre entouré de la communauté, de ces gens qui me voient tel que je suis, est la plus belle expérience de mon existence. C'est un sujet que j'explore profondément dans le spectacle "Not All Cis".

Quelles sont les influences dont vous êtes fiers ?

Ma pratique artistique a commencé dès l'enfance et s'est construite comme un reflet de ma consommation de produits culturels. Mon exigence artistique s'exprime par une jalousie constructive à l'égard des chefs-d'œuvre. Si d'autres artistes peuvent me toucher profondément avec leurs créations, je veux aussi en être capable. Et la question de l'identité des artistes qui m'ont inspiré ne s'est jamais vraiment posée... jusqu'à cette interview. De nombreux artistes et organisations ont une influence majeure sur mon art : les œuvres de Lewis Trondheim jusqu'à l'album "Life As It Comes", Victor Brauner, Didier Super, George Lucas, DC Comics, Hara-Kiri et Charlie Hebdo, Satoru Iwata, Alan Moore, les éditions Dupuis, Samuel Beckett, Daft Punk jusqu'à "Alive 2007", les Wachowskis, Oscar Lemaire, Antonin Artaud et bien d'autres encore. Beaucoup d'hommes dans cette liste, n'est-ce pas ? Est-ce que cela dit quelque chose sur moi ou sur notre société ?

Quelles sont les initiatives bruxelloises dont vous êtes fier ?

Cette année, j'ai co-organisé les "Proud Comedies" au Crazy Circle, le seul bar lesbien de Bruxelles : il s'agissait d'une série de soirées comiques dans un environnement "plus sûr" pour les minorités de genre et de sexualité. Le public devait accepter un code de conduite pour assister aux spectacles, qui mettait l'accent sur la sensibilisation des personnes cisgenres afin de minimiser tout comportement inapproprié à l'égard des minorités de genre. Je remercie le public qui a répondu présent dès la première édition, l'équipe du Crazy Circle qui m'a soutenue et les artistes bruxellois et internationaux qui nous ont fait l'immense honneur d'accepter nos invitations. D'après les retours que nous avons eus, ce fut une expérience enrichissante tant pour les artistes que pour le public. Cela restera un bon souvenir pour moi. Après la dernière date, j'ai décidé de me concentrer sur la finalisation de l'écriture de mon spectacle "Not All Cis".

Que pensez-vous de la visibilité des transgenres en Belgique aujourd'hui ?

On pourrait faire mieux. BEAUCOUP mieux. Il y a plusieurs problèmes qui, à mon avis, y contribuent : La première confusion réside dans la fusion de l'identité de genre et des orientations sexuelles. Ces deux aspects représentent des plans d'existence distincts : ils ont pour points communs d'échapper au modèle cishétéronormatif imposé et de ne pas être des choix individuels délibérés. Cependant, le mélange de l'identité de genre et des préférences sexuelles reste choquant. Il existe un cissexisme systémique qui émane également de certaines personnes cisgenres non hétérosexuelles. Projettent-elles sur les minorités de genre la violence qu'elles peuvent subir de la part des personnes hétérosexuelles cisgenres ? Peut-être ces personnes se sentent-elles moins gays ou plus cis en hurlant avec les loups contre les minorités de genre qui font l'effort de s'accepter ? Le bonheur et la joie de vivre peuvent-ils être insupportables pour des personnes en souffrance qui ne perçoivent pas d'issue satisfaisante à leur détresse ? Il y a aussi des féministes qui se montrent inclusives... mais exclusivement envers les personnes assignées féminines à la naissance. On peut alors se demander si certains courants féministes ne se résument pas à un simple ressentiment à l'égard de toutes les personnes assignées masculines à la naissance. Il y a aussi la confusion entre Drag, identité de genre et homosexualité. Le problème ne vient pas des artistes de Drag, que je respecte beaucoup. L'exigence de leur discipline dépasse l'entendement et leurs cachets devraient être à la hauteur de leur travail ! Le problème réside dans les individus peu scrupuleux qui s'autoproclament abusivement Drag Queens comme porte-parole universel et incarnation physique de toutes les identités LGBTIA+ (comme mascottes, en somme), trompant parfois les alliés bien intentionnés qui les sollicitent sur ce point. Je pense que la visibilité des minorités de genre est très insuffisante compte tenu de l'étendue de l'ignorance et de l'intensité de la violence systémique. Mais si nous sommes à l'intersection de trop de discriminations, nous sommes assurément formidables. C'est le message que je fais passer avec humour et euphorie dans le spectacle "Not All Cis".

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