Drag selon Mama Tituba

Mama Tituba a été présent sur de nombreuses scènes queer. Une partie des La Barakakings et cofondateur de Les Peaux De MinuitIls donnent actuellement des cours de drague au Brussels Art Pole avec Couverture La Goulue.

Parlez-nous un peu de vous. Quel a été votre parcours ?

J'ai commencé à faire de la drague un peu par hasard. Si quelqu'un m'avait dit il y a quatre ans que je me produirais sur scène, racontant des histoires personnelles à moitié nue devant une foule, je ne l'aurais pas cru une seconde ! En 2018, je travaillais pour une grande entreprise en tant que graphiste en France, et à l'époque, je me définissais comme cis-hétéro et je détestais mon travail. Quand je suis arrivée à Bruxelles, Massi aka Blanket la Goulue a été la première personne queer que j'ai rencontrée avec mon amie Laïss Barkouk. Ils m'ont fait découvrir la communauté LGBTQIA+ et ses luttes. J'ai participé à des manifestations et j'ai découvert certains des lieux les plus emblématiques et alternatifs de la ville. Le premier spectacle de drag que j'ai vu était un concert de King Baxter, mon futur père drag, au Barlok. Ce fut un choc pour moi. Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie à ma place. Je me suis sentie libre et entourée. Je n'avais jamais ressenti cela de ma vie. Ensuite, j'ai compris pourquoi, alors naturellement j'ai commencé le processus de déconstruction, et plus tard, j'ai fait mon coming out en tant que non-binaire et pansexuel.

Tout cela m'a ouvert de nouveaux horizons, mais je dirais que tout a commencé avec le spectacle de dragsters "Not Allowed - Glitter's Time". Ce spectacle alternatif est né pendant la pandémie, fondé par Blanket la Goulue, Dame Lylybeth, Shlaggy Daddy, Rose Gigot, Drag Couenne, Chimey Blue, Camille Nestor Josie Pier, et Enby Valent. C'était la première fois que je voyais des personnes non-hétéronormatives sur scène, des corps trans, des corps racisés. C'était ma révélation ! Il m'a fallu un an de plus pour me lancer, mais j'ai fait ma première apparition sur scène en avril 2022, pour l'anniversaire de l'organisation Vulcana.

Mama Tituba est née en référence au roman "Moi, Tituba sorcière" de Maryse Condé. Je voulais rendre hommage à toutes ces femmes fortes et racisées qui se sont battues pendant l'esclavage et, encore aujourd'hui, à celles qui ont été effacées des livres d'histoire. Tituba est une sorcière, une drag queer et n'a pas de genre. En tant qu'enfant de la dynastie du Royaume Nocturne, je ne réponds à aucune règle physique ou morale. La rage et la colère sont mes forces motrices, et mon but ultime est d'abattre le patriarcat et la suprématie blanche. En racontant mon histoire, l'adelphité est mon remède le plus précieux. Mes spectacles en solo sont très variés, abordant les thèmes du colonialisme, du racisme, de l'autonomisation et de ma relation avec mon corps. Les drag king et les numéros de groupe me permettent d'évoluer dans des registres plus comiques et décalés. Mon esthétique puise son inspiration dans les univers du punk, du combat, de la boxe et du bdsm.

Cette année a été riche en rencontres et en opportunités, et j'ai participé à de nombreux événements, devant des publics très variés, tels que : Show Playback, Just the Tip, Propaganda, Crash Test, Queeriosity, le projet Hippocampe, la Queef pride, Fatsabbats, Homografia, Museum Night Fever, Snap festival... Et dans des lieux très différents comme : The Agenda, The Crazy Circle, Cabaret Mademoiselle, Os à moelle, Grands Carmes, Théâtre Varia, La Vénerie, Beursschouwburg.

Peu de temps après avoir commencé, j'ai rejoint mon premier collectif, 'La Barakakings' avec Cherry Chapstick, Enby Valent, Ernesto Coyote et Dicklan. Ce collectif est composé de drag kings, drag queers, drag creatures, bref, tout sauf des drag queens. Puis, en mars dernier, j'ai cofondé le collectif " Les Peaux De Minuit ", entièrement composé d'artistes BIPOC (Black, Indigenous, and People of Colour), avec Lassyri, Paula Roïd, Meltyn'Pothead, Daisy Lusion, et Tasty Desire. Ces deux collectifs font partie de mes identités queer, non-binaires et raciales. Ces collectifs sont nés avec le même objectif : se rassembler et rendre visibles nos identités et nos histoires. Parce que même à Bruxelles, les drag queens blanches cisgenres ont plus de privilèges et d'opportunités que les AFAB, les trans et les noirs. Sans minimiser les luttes de la communauté gay cisgenre, je pense qu'il est important que l'art de la drague soit plus diversifié et inclusif. Si nous regardons toujours les mêmes corps et écoutons toujours les mêmes histoires sur scène, les communautés les plus précaires, auxquelles j'appartiens, restent invisibles.

Que signifie pour vous le fait de faire partie de la communauté queer de Bruxelles ?

Je suis heureuse et fière de faire partie de la communauté queer de Bruxelles. Même si ce n'est pas facile tous les jours, je sais que j'ai trouvé ma famille d'élection parmi mes adelphes et parmi les incroyables artistes avec lesquels je travaille. Je sais que je suis soutenue, je sais que je suis aimée et je sais que Bruxelles a encore beaucoup à offrir. Je vois et j'observe chaque jour de nouvelles initiatives, de nouveaux baby drags qui démarrent, de nouveaux collectifs qui se mettent en place, et cela me remplit de joie.

Quels sont vos projets actuels ou futurs ?

A l'automne, je donnerai des ateliers pour la drag academy à BAP (Brussel Art Pole dance) avec ma sœur Blanket la Goulue. En septembre, La Barakakings est de retour avec un nouveau spectacle à Magic Land. J'ai joué au festival Fame et à Recyclart pour le festival queer, "Random act of community love". Il y a aussi la pièce Hippocampe, mise en scène par ma drag mother Lylybeth Merle à La Balsamine en octobre. Sans oublier "Les peaux de minuit", qui est également de retour. Je travaille actuellement sur de nouveaux spectacles en solo, que j'ai hâte de vous présenter. Mon rêve pour la saison à venir est de pouvoir jouer en dehors de Bruxelles, de découvrir de nouveaux lieux, de faire de nouvelles collaborations, car je ne fais que commencer !

Crédits photos : Laetitia Bica, Anne-Sophie Guillet, Matey

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