DJ résident à Le Belgica et une partie de la Les Supers-Viseurs, DJ Manuszko aime surprendre les gens avec ses sets lors d'événements queer.
Parlez-nous un peu de vous. Quel a été votre parcours ?
DJ Manuszko est né au début des années 2010 à "J'en suis, j'y reste", le centre LGBTQIA+ de Lille, dans le nord de la France. J'ai toujours été fasciné par les DJ, et lorsque je suis revenu d'un voyage d'échange entre les associations LGBTQI de Lille et de Cracovie en Pologne, j'ai commencé à faire des playlists pour quand je tenais le bar de l'association, et les retours que j'ai eus de la part des gens étaient vraiment géniaux. Les gens m'appelaient DJ Mans, mais je voulais un nom différent pour le DJing. À Cracovie, on m'appelait Manuszko, alors j'ai pris ce nom. Au début, je voulais simplement créer un personnage de la vie nocturne. Quelqu'un que j'aurais aimé rencontrer lorsque j'étais un jeune homosexuel perdu dans une petite ville sans lieux ni associations LGBT, et avant que l'accès à l'internet ne se généralise. Créer un personnage que je n'aurais jamais osé être, même dans mes rêves les plus fous, parce qu'à l'époque je ne connaissais rien au mixage. J'ai sélectionné des sons pour le centre LGBTQIA+, pour une émission de radio d'une association dans laquelle j'étais très impliqué à l'époque qui s'appelait "Les flamands roses", une des plus anciennes associations queer de Lille, sur Radio Campus Lille, qui s'appelait "Tata bigoudi, l'émission qui défrise l'hétérocratie". Un ami m'a dit un jour : "Tu devrais être DJ, tu as tout ce qu'il faut pour ça". Avant qu'il ne dise ça, je n'avais jamais pensé à essayer, mais à partir de ce jour, j'ai commencé à sortir plus souvent, à danser devant des DJs, à regarder tout ce qu'ils faisaient sur leurs manettes derrière mes lunettes de soleil, à apprendre par moi-même, et à avoir des copains DJs et artistes. J'ai commencé à mixer dans les soirées non-mixtes pédé-gay-bi cis et trans* que nous organisions, appelées "soirées folles ... NE PAS s'abstenir !" en réaction aux messages très excluants "efféminé s'abstenir" que l'on trouve souvent sur les applications de rencontre gay. Nous essayions de créer un espace où les personnes identifiées queer de tous âges pouvaient se rencontrer différemment. Un jour, on m'a proposé un travail à Bruxelles avec une association de santé gay, et c'est là que j'ai atterri à Bruxelles en 2016. J'ai commencé à poster des mix sur Mixcloud et à découvrir la vie nocturne bruxelloise, notamment sa scène queer. J'ai rapidement rencontré de nombreux DJ que j'ai adorés, tout en perfectionnant ma technique. Je dois beaucoup à certains lieux qui m'ont donné ma chance et m'ont fait confiance. J'ai mixé pour la première fois au 123 rue royale à Bruxelles, l'endroit où étaient organisées les premières soirées Chaudière. Chris Miller de La Garçonnière Prod, qui a créé " Last Days Of " et " Homografia Festival " m'a demandé de mixer avec lui en b2b lors de la " Pink Night " à La Bodega. En 2017, j'ai participé à une compétition de DJ au bar gay Dolores. J'ai terminé 2ème mais cela m'a permis de me faire connaître dans les bars et soirées gay / LGBTQI en tant que DJ. C'est alors que j'ai commencé à faire le DJ au bar Le Belgica, où je suis maintenant résident. Je fais aussi du DJ pour soutenir des organisations, des associations ou des causes qui me sont chères. Au début du déconfinement, j'ai ainsi organisé les événements "Queer Queer Moustache" au Madame Moustache. Je suis très fier des line-up que j'ai pu y proposer, mais il me manquait une dimension plus collective, alors quand le lieu a dû fermer suite à un incendie, j'ai décidé cette année de rejoindre les collectifs qui m'avaient soutenu depuis le début : Les Chaudières et La Garçonnière Prod. J'ai aussi joué de temps en temps au Stammbar, qui est le cruising bar de Bruxelles, notamment lors de soirées "naked", et c'est très stimulant et intéressant de jouer pour des gens qui font aussi l'amour. Je me suis rendu compte que je ne joue pas la même chose quand les gens sont nus. C'est une autre ambiance que j'ai adoré vivre.
Quels sont vos projets actuels ou futurs ?
Cette année, j'ai quitté mon dernier emploi à temps plein et je me donne un an ou deux pour voir jusqu'où je peux aller en tant que DJ, organisateur de soirées et autres projets artistiques. Je suis résident au bar Le Belgica, au Last Days Of et plus récemment au The Agenda, où j'explore un peu plus mon côté pop. Je suis dans une phase où je prends le temps d'explorer de nouveaux espaces, de nouveaux publics, de faire des B2B avec plein de gens différents dont j'aime les mixes dans une grande variété de genres musicaux. Pendant les périodes de fermeture, j'ai commencé à jouer avec mon meilleur ami Thom Leblanc et j'ai créé Les Supers-Viseurs. Le nom vient du fait que dans la rue gay, les gens nous voyaient souvent ensemble et disaient "alors, vous surveillez la rue ? Très vite, nous avons joué régulièrement ensemble, explorant un côté plus rave et parfois rock. Cet automne, nous jouons à l'événement Kiekebiche le 28 octobre. J'ai également fait du B2B avec Kip Korazón à The Agenda. J'ai également mixé pour la première fois à la Maison du peuple avec Spirite. Depuis 2020, je suis le DJ principal, faisant tourner les sons du groupe glam pop bruxellois "GLOW ! J'aime aussi ce rôle plus en coulisses pour soutenir un groupe auquel je crois. Avec le collectif Chaudière, nous avons organisé un événement le dimanche après-midi avec Melissa Juice au mixage. J'ai également mixé avant et après le concert d'un groupe de reprises de chansons de Nirvana et Courtney Love par des potes queers appelés "Kurt and Courtney", qui se définissent comme anti-grunge. Je veux explorer toutes les facettes musicales, qui sont assez larges, et peut-être explorer le chant. Souvent, quand les gens me demandent quel genre je joue, j'ai du mal à répondre. Ce que j'aime, c'est jouer avec les genres et surprendre les gens. Par exemple, j'aime voir des punks danser dans un squat sans savoir qu'il s'agit d'un remix instrumental des Spice Girls, ou jouer des remixes très underground de musique pop dans des endroits qui ne le sont pas du tout.
Que signifie pour vous le fait de faire partie de la communauté queer de Bruxelles ?
Faire partie de la communauté queer à Bruxelles signifie beaucoup pour moi. Même si j'ai beaucoup appris des activistes queer à Lille, c'est à Bruxelles que je me suis sentie chez moi, acceptée telle que je suis. C'est à Bruxelles que j'ai découvert une vie nocturne qui me plaît et que je suis passée de la création d'un personnage à sa transformation progressive. C'est ici que j'ai appris tant de choses, mais avant tout que mes rêves peuvent devenir réalité. C'est ici que j'ai rencontré tant de personnes inspirantes, dont certaines que j'admire et d'autres qui sont devenues mes amies. Cette ville et sa galaxie LGBTQIA+ m'ont accueillie, m'ont nourrie et m'ont fait grandir chaque jour, me permettant de rencontrer tant de personnes belles et diverses, de vivre des expériences, de vivre tant de beaux moments et d'aider à en créer d'autres. J'envisage beaucoup de nouvelles possibilités ici, et je ne me vois pas vivre ailleurs. Ce que j'aime aussi ici, c'est qu'il n'y a pas qu'une seule façon d'être queer, c'est toute une galaxie à explorer. C'est une galaxie entière à explorer. Elle est en constante évolution. J'aime découvrir tous ces endroits et jeter des ponts entre des gens qui ne se rencontreraient pas autrement.
Quelles sont vos influences homosexuelles ?
Quand j'étais très jeune, je me souviens avoir vu une interview des Spice Girls à la télévision française, où elles disaient que "le girl power, c'est comme le black power ou le gay power, c'est être là pour les autres qui traversent les mêmes problèmes que vous, se serrer les coudes plutôt que de se battre entre nous". Elles ne s'identifient pas comme homosexuelles, mais entendre cela m'a beaucoup aidée à m'accepter en tant que jeune adolescente se posant des questions sur sa sexualité et son genre. En les suivant, j'ai arrêté d'écouter la musique de mes parents (qui avaient d'ailleurs de très bons goûts) et je me suis intéressé aux sons de ma génération à la fin des années 1990, en écoutant les charts et en découvrant des groupes comme Placebo, Skunk Anansie, ... Je crois que mon premier concert queer a été celui de Peaches à l'Aéronef de Lille pour la tournée de l'album Fatherfucker, c'était comme une grande claque dans la figure qui m'a fait beaucoup de bien. Dans mes années de militantisme en France, je me souviens avoir aimé découvrir Sexy Sushi. Récemment, j'ai joué avec Les Supers-Viseurs juste après Rebeka Warrior qui faisait partie de ce groupe au Recyclart pour une grande soirée intitulée "Mon Cul, Ta Praline". Quelle soirée et quelle chance pour moi de rencontrer des artistes qui font partie de la bande son de votre vie !
Quelles sont les initiatives bruxelloises que vous aimez ?
Comme nous avons la chance d'avoir une galaxie queer assez importante, il y a plein d'espaces queer ou très queer-friendly que j'adore, en plus de ceux auxquels j'ai participé en tant qu'organisateur ou en tant que DJ. Je me souviens par exemple de ma première Gay Haze, qui est une sorte de rave du dimanche après-midi organisée à chaque fois dans un lieu différent, j'ai été émerveillé par la musique, puis par le public et l'ambiance générale. J'y ai rencontré beaucoup de personnes queer mais aussi dans la rue marché au charbon, au Stammbar qui a tellement évolué depuis mon arrivée en 2016. Le public se diversifie sans perdre la clientèle gay du début. C'est très intéressant de le voir évoluer. Je me souviens aussi de mes premiers Los Ninos dans l'ancienne salle du Recyclart et plus tard au FFormatt qui était une super salle qui n'a pas survécu au lockdown malheureusement. Les Pink Nights, les soirées de clôture du festival Pink Screens, sont pour moi des moments forts de la vie queer. Récemment, il y a eu les Grands Carmes, qui permettent aux artistes queer d'expérimenter des choses. C'est génial, mais on doit souvent s'arrêter à minuit, heure à laquelle j'arrive normalement aux soirées. Les Chaudières du 123 ou du Barlok me manquent beaucoup. Il y a un manque de lieux temporaires moins institutionnalisés, squattés, suffisamment grands pour ne pas gêner les voisins, comme c'était le cas au Barlok. J'ai récemment découvert des soirées queer très cool au C12, les soirées Lube. L'évolution actuelle du C12 est vraiment intéressante à voir, ils expérimentent de nouvelles choses et ça marche bien ! Au ZodiaK, qui a fermé récemment, il y a eu quelques soirées queer très intéressantes. Je me souviens d'une soirée complètement folle, "Love Carnage : Last Days Of x Darling !". C'était génial. ZodiaK a promis de revenir ailleurs. À suivre ! Cette année, les nouveaux DJs que j'ai adorés sont Sombre Baxter, que l'on connaissait déjà sous le nom de King Baxter, et Acid Lily, qui a tout simplement tout déchiré ! A bientôt sur les dancefloors !
Crédits photos : Samy SoussiEric Gwen
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