Géraldine Jonckers sur l'intégration en tant qu'alliée

Géraldine Jonckers est un cinéaste et l'animateur du podcast "VIRIL-E-S" de Studio Balado.

Parlez-nous un peu de vous. Quel a été votre parcours ?

J'ai grandi à la campagne. Au milieu des champs, il n'y avait pas grand-chose à faire. Je m'évadais donc à travers les livres et les films. Adolescent, j'étais fasciné par le cinéma. C'est alors que j'ai découvert le travail de Pedro Almodovar, sa façon de mettre en scène les femmes, de filmer les corps et de parler ouvertement de l'identité de genre et de l'orientation sexuelle, le tout dans un joyeux désordre. Cela contrastait beaucoup avec la rigidité de ma famille traditionnelle et alimentait mon désir d'évasion. Quelques années plus tard, j'ai découvert les livres de Virginie Despentes, qui ont marqué mon entrée dans le féminisme.

J'ai ensuite étudié la sociologie et l'anthropologie, puis je suis allée à Barcelone pour me former à la réalisation de films documentaires. J'y ai rencontré de jeunes activistes transgenres qui m'ont beaucoup appris sur la déconstruction de la binarité et des normes de genre. Leur courage et leur énergie m'ont tellement impressionnée que j'ai coréalisé deux courts métrages sur la transidentité. Le premier, "TRANSitando", traite de l'autodétermination et le second, "Euforia de genero", de la lutte pour retirer la dysphorie de genre du DSM IV et ne plus la considérer comme un trouble mental.

La réalisation de ces deux courts métrages m'a donné le goût de la mise en scène et j'ai décidé de continuer à filmer. Je suis retournée vivre à Bruxelles et c'est là que j'ai rencontré Dédée, une travailleuse du sexe transgenre d'une soixantaine d'années qui travaille dans le quartier nord de Bruxelles. J'ai tout de suite eu envie de la filmer, car son regard et son aisance, qui rappellent La Goulue de Toulouse Lautrec, en faisaient un personnage de cinéma à part entière. Je lui ai proposé de faire son portrait et nous avons décidé ensemble que sa transidentité ne serait pas le sujet du film. Il était important pour moi, en tant que réalisateur, de la montrer dans toutes ses dimensions en tant qu'être humain, et de ne pas l'enfermer uniquement dans sa transidentité. Le film "Chronique courtisane" est sorti en 2015.

J'ai ensuite rejoint une association appelée Nighthawks, où je crée des ateliers vidéo pour les écoles et les centres de jeunesse, et je suis commissaire d'exposition. Mes thèmes de prédilection sont le féminisme, la lutte contre le sexisme et l'invisibilisation des femmes. Parallèlement, je continue à réaliser des documentaires. L'année dernière, Michel-Ange Vinti du Studio Balado m'a demandé de produire mon premier podcast, VIRIL-E-S, une série de 3 épisodes de 20 minutes dans lesquels je questionne d'autres formes de virilité. Que signifie être une femme virile ? Que signifie le devoir de virilité pour les hommes cis-hétéro ? Quel est le rapport à la masculinité quand on est queer ? Dans ce podcast, je mets en avant des histoires singulières, intimes et politiques.

Quels sont vos projets actuels ou futurs ?

Je viens de terminer mon deuxième film documentaire, "La ligne", un portrait de Laurence Delcourt, une championne belge de bodybuilding. Le film la suit dans sa préparation au concours de Miss et Mister Univers. Ce qui m'intéressait ici, c'était de filmer un corps en rupture avec la féminité traditionnelle, et de mettre en lumière le parcours d'une femme qui suit sa passion coûte que coûte, sans se soucier du jugement des autres. La sortie du film est prévue pour 2024. La saison 1 de mon podcast VIRIL-E-S est disponible sur toutes les plateformes d'écoute. Je suis en train d'écrire la saison 2, toujours avec Studio Balado. La saison 2 sera disponible dans le courant de l'année prochaine.

Que signifie pour vous le fait de faire partie de la communauté queer de Bruxelles ?

La famille que j'ai choisie fait partie de la communauté queer de Bruxelles. J'ai beaucoup appris d'eux. En tant qu'alliée et féministe, je suis pleinement consciente de mes privilèges et je veille à être inclusive dans tous mes projets. C'est très important pour moi.

Quelles sont vos influences homosexuelles ?

Le livre de Judith Butler "Gender Trouble" et "King Kong théorie" de Virginie Despentes ont grandement influencé ma pensée et la manière dont je définis mon féminisme. Au cinéma, outre Almodovar, Céline Sciamma et Xavier Dolan font, pour moi, un travail important dans la représentation inclusive des personnes queer.

Quelles sont les initiatives bruxelloises que vous aimez ?

J'apprécie beaucoup les initiatives queer. Cet été, j'ai passé du temps aux Grands Carmes. J'adore ce lieu, ne serait-ce que pour y boire un verre. J'adore la séance Queer Mais Trash du festival Courts Mais Trash, où je découvre toujours des petites perles d'humour grâce au travail de programmation de François Marache et de son équipe. Le festival Pink Screen est aussi un bon moyen de découvrir des films qui ne passeront pas dans nos salles, voire pas du tout. Et puis Studio Balado, avec le podcast "Être Un Homme" de Michel-Ange VINTI, et le podcast "Sororité Conversations With My Sistas" de la flamboyante Rokia Bamba, c'est tellement feel good. Quand je l'écoute, en tant que femme artiste, je me sens moins seule.

Crédits photos : Amandine Klee

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