Rattraper Edna Sorgelsen

Edna Sorgelsen a été appelée la reine volée de Drag Race Belgique cette année et a acquis une grande popularité. Voyons où elle en est aujourd'hui.

Parlez-nous un peu de vous. Quel a été votre parcours ?

J'ai grandi dans la banlieue de Liège et j'ai déménagé à Bruxelles à l'âge de 21 ans pour terminer mes études. Je n'étais pas vraiment impliqué dans la scène LGBTQIA+ de Liège. Il m'a fallu du temps pour vraiment accepter et "vivre" mon homosexualité, et j'avais beaucoup d'idées préconçues sur cette sphère que je ne connaissais pas. Une fois à Bruxelles, j'ai rencontré quelqu'un qui travaillait à Maman. Le bar cherchait des étudiants et j'avais besoin d'argent. C'est ainsi que j'ai découvert la vie nocturne queer à Bruxelles. C'était très amusant, mais il n'était pas question de devenir une drag queen. Au début, c'était juste le plaisir de travailler et de sortir en même temps (être barman, c'était aussi participer à la fête). J'y trouvais mon compte. J'aimais bien regarder les filles se maquiller, mais je n'avais pas l'intention de faire partie de la clique. Une fois par an, Chez Maman organise la fameuse "soirée massacre", une sorte de grand teambuilding bordélique où les rôles sont inversés : les reines deviennent barmans et les barmans se moquent des filles. Je n'ai pas aimé. J'ai vu Gautier (moi-même) porter une perruque, avoir une apparence féminine que je n'avais pas, et marcher maladroitement avec des talons. J'ai ensuite découvert RuPaul's Drag Race (saison 3, je crois). J'ai découvert la théâtralité, l'humour et l'extra-glamour que la drague permettait. J'ai pensé qu'il serait amusant d'apprendre à me maquiller moi-même pour la prochaine fête de Massacre (j'aime les défis). J'ai travaillé comme barmaid pendant quelques nuits pour m'habituer au physique du personnage, et c'est ainsi qu'est née Edna. Les projets s'enchaînent : mon duo avec Mademoiselle Boop sur Youtube, la Croisière Démence, les événements LGBTQIA+, puis la création du Cabaret Mademoiselle, le podcast Boop et Edna, L'Agenda, les lectures pour enfants " Unique en son Genre ", la FIDAE à l'ULB... Autant de projets qui m'ont permis d'entrer en contact avec notre communauté, et bien d'autres encore au cours de ces dix dernières années.

Que pensez-vous de votre expérience dans Drag Race Belgique ? Que pensez-vous du fait d'être considérée comme la reine volée de la saison ?

L'expérience la plus traumatisante de ma vie (rires). C'est un exercice très exigeant, qui vous oblige à transformer votre drague en machine de guerre et à développer une marque autour de votre drague. Quand j'ai vu l'annonce du casting, j'ai cru à une blague. Comment notre petite Belgique pourrait-elle rivaliser avec cette gigantesque franchise, avec sa communauté hyperactive de fans, disséquant et comparant les moindres détails. J'ai participé, en essayant d'être le plus naturel possible. Les gens qui disent que je suis une "robbed queen" me font plaisir. Cela signifie que les gens ont apprécié ma participation et que mon heure n'était pas venue. En effet, mon costume n'était pas aussi soigné que je l'aurais souhaité. Le thème était "Festival", et j'ai tout de suite pensé au mouvement hippie et à Woodstock. Si c'était à refaire, j'aurais quand même créé un look similaire, mais j'aurais laissé tomber le pantalon pour faire un tube. Le jury semble préférer les formes simples à la prise de risque désordonnée. Quoi qu'il en soit, c'est le jeu. Bien sûr, je me voyais bien arriver en finale, et j'ai mis du temps à faire le deuil de mon élimination précoce. Aujourd'hui encore, j'ai mal à l'estomac quand j'y pense. Mais Drag Race n'est qu'une (grande) parenthèse dans une vie de dragueur. Il s'agit de devenir un pro de la drague. Ce qui compte, c'est ce que vous faites après.

Quels sont vos projets actuels ou futurs après Drag Race Belgique ?

J'aime à dire que ma drague est à la fois un plaisir personnel et une raison pour les gens de se rencontrer. Lorsque j'organise des soirées de visionnage, ce n'est pas seulement pour montrer ma garde-robe, c'est aussi une raison de se réunir dans un même lieu et de partager une expérience commune (une émission, un jeu, un film). Avec Drag Race, j'avais l'ambition de faire de la télévision et de créer une émission. J'ai la chance d'avoir pu lancer un podcast produit par la RTBF (j'imagine qu'ils ont eu des remords), rire), "Amour Drag et Courrier", où je parcourais l'actualité et donnais mon avis sur tout. C'était surtout une discussion entre amis, avec Mademoiselle Boop puis Athena Sorgelikis. Je rejoindrai l'équipe de chroniqueurs de l'émission Culture Club de Tipik pour sa nouvelle saison à partir de la mi-septembre. J'ai également eu l'honneur de présenter l'élection de Miss Bear en octobre. Je continue à me produire au Cabaret Mademoiselle, The Agenda. Edna me permet également de voyager et de rencontrer d'autres milieux queer (Lyon, Lille, Paris...).

Que signifie pour vous le fait de faire partie de la communauté queer de Bruxelles ?

Alors que je me sentais très solitaire lorsque j'étais adolescente, je suis fière de faire partie d'une communauté depuis plus de dix ans et d'être l'une des nombreuses personnes qui lui donnent de la couleur. Je vois la communauté évoluer, devenir plus inclusive et plus diversifiée. Je constate également que nos valeurs sont mieux acceptées par le reste de la société. J'ai le sentiment que les choses évoluent pour le mieux, qu'il y a de plus en plus de synergie et d'acceptation, au sein de notre communauté et ailleurs. À mesure que nous devenons "connus au niveau national", de plus en plus de gens découvrent notre sphère.

Quelles sont vos influences homosexuelles ?

Ma plus grande influence est le groupe Scissor Sisters. Je les ai découverts à la télévision lorsque j'étais adolescente et leur musique a toujours été une source de sentiments forts. J'aime la musique de Roisin Murphy, Gossip / Beth Ditto et les films de Pedro Almodovar et John Waters.

Quelles sont les initiatives bruxelloises que vous aimez ?

Sans hésitation, l'initiative qui m'enthousiasme le plus, c'est lorsqu'un groupe de jeunes étudiants souhaite lancer un projet artistique, culturel, festif et inclusif sur leur campus. Il s'agit du Festival Inclusif des Arts Engagés (FIDAE) de l'Université Libre de Bruxelles, dont j'ai l'honneur d'être le parrain depuis 2021. Je suis passionné par le concept des Grands Carmes, premier centre communautaire LGBTQIA+, structure fédératrice et collectif de trois associations pour unir leurs forces. J'aime que les choses s'ouvrent et mettent les gens en contact, comme les événements en plein air qui ont lieu rue Marché au Charbon. C'est ainsi que nous faisons vivre la communauté. Et bien sûr, l'Agenda et le Cabaret Mademoiselle, pour les raisons que vous imaginez (non, je ne dis pas ça parce qu'ils me paient...), rire).

Crédits photos : Lorenzo Frison

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