Écrit par Leon Gabriel
Parfois, dans la vie des gens, il y a des rencontres fortuites qui deviennent des relations durables. C'est ce qui s'est passé entre le photographe français Marc Martin et LaVallée à Molenbeek, une communauté d'artistes et d'entrepreneurs créatifs qui propose un programme culturel varié ainsi que des espaces à louer.
En 2020, Marc est venu à LaVallée pour présenter Les Tasses - une œuvre pluridisciplinaire révélant la face cachée des urinoirs publics. Son exposition a rencontré un immense succès public et l'artiste a reçu le prix Sade pour cette œuvre.
Récemment, Marc Martin et son équipe étaient de retour à Molenbeek pour le tournage d'un clip vidéo autour de la réinterprétation par Othmane de "Mon CRS", une chanson d'Annie Cordy enregistrée pour la première fois en 1977. Le CRS est incarné par le jeune acteur Mathis Chevalier. Le magazine Ket était présent pour rencontrer l'équipe et découvrir ce nouveau projet, plein de promesses.
Nous sommes dans la cour de LaVallée et Marc - avec le sourire - nous accueille, impatient de partager avec nous son nouveau projet.
"En mettant en scène l'amour entre un représentant de la police et Othamne, une chanteuse non binaire, j'ai choisi de porter haut les couleurs de la tolérance dans des milieux encore considérés comme très homophobes", explique Marc. "Une reprise sensuelle d'une chanson d'Annie Cordy nous permettra de faire bouger les codes du côté des générations passées car on se souvient surtout d'Annie Cordy comme étant drôle. Aujourd'hui, cette chanson dans la voix d'Othmane sera le drapeau du Coming-Out dans la Police. Une passerelle de plus vers le message du vivre ensemble".
Un acteur en herbe et une chanteuse non-binaire incarnent une rencontre
Mathis Chevalier a 23 ans - il a plusieurs titres de champion de boxe anglaise à son actif. Il s'essaie ici à un nouveau type de combat et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il illumine l'écran et qu'il est heureux de figurer sur l'affiche de ce film.
"Normalement, je donne des cours de MMA à Grigny - une banlieue de Paris", explique Mathis. "Mais je me suis également inscrit à des cours de théâtre et je choisis autant que possible des rôles à l'opposé du monde "macho" dans lequel j'ai existé jusqu'à présent".
Othmane porte la chanson comme un nouvel étendard. D'origine marocaine et algérienne, enfant efféminé, ils ont souvent été l'objet de moqueries. Ils se sont réfugiés très tôt dans un monde de fiction et de paillettes. Rejetés par leur famille à l'adolescence à cause de leur sexualité, ils arrivent à Paris avec l'ambition de réussir dans le show-business. Leur physique androgyne et glamour leur ouvre les portes de la mode et façonne leur démarche artistique.
"Dans ce film, je joue une chanteuse de cabaret", explique Othmane. "Mon allure androgyne et féminine délivre un message d'altérité dont je suis très fière."
"J'aimerais que ce court-métrage soit vu comme une sorte de Roméo et Juliette moderne, la tragédie en moins", ajoute Marc. "Il raconte l'histoire de deux jeunes gens qui vont s'aimer malgré les apparences et les préjugés liés à leurs particularités respectives."
Une chanson revisitée, suite à une rencontre improbable avec Annie Cordy en 2014.
La bande-son a été trouvée dans le répertoire des seventies d'Annie Cordy : "My CRS". Marc Martin - né à Roubaix en 1971 - était ami avec le plus célèbre des chanteurs belges.
C'est en 2014, lors d'une rencontre au centre d'art Wallonie-Bruxelles, que le photographe a évoqué pour la première fois le projet de cette couverture à Annie Cordy.
"C'est une chanson qui est passée inaperçue dans la carrière de la chanteuse", explique Marc. "Je me suis même demandé si elle se souviendrait de l'avoir enregistrée !". Au contraire, Annie a immédiatement saisi le refrain acapella ! L'œil pétillant, elle m'a dit qu'elle aimait particulièrement cette chanson, aussi incongrue et inconnue soit-elle."
Remise au goût du jour musicalement, cette ode fantasmée change aujourd'hui de ton et de dimension.
"Et voici Annie Cordy qui devient un porte-parole posthume des personnes non binaires et du coming-out - aux CRS !" conclut le photographe devenu réalisateur.
Marc Martin, le photographe qui brise les clichés
Le film veut s'éloigner des clichés liés aux forces de l'ordre et aux personnes sexuellement marginalisées. Le vêtement a toujours intéressé le photographe Marc Martin dans ce qu'il traduit de représentations publiques ou privées. Professionnelles ou personnelles. Dans ce clip, l'œil fétichiste de Marc Martin ne s'attarde pas sur le potentiel érotique véhiculé par l'uniforme. Il s'attache à révéler la personne qui se cache derrière la tenue.
"Il était important d'aller au-delà de la vision habituelle des CRS", a déclaré Marc. "De même, les personnes non binaires sont trop souvent associées à l'image caricaturale des drag queens et du monde underground de la nuit."
Ce court-métrage - Mon CRS - lutte pour le respect des droits LGBTQ et Marc Martin poursuit son engagement artistique pour la visibilité des minorités dans toute la richesse de leur diversité.
Après cet après-midi passé ensemble, nous ne pouvons dire qu'une chose, nous nous réjouissons déjà du retour de Marc à Molenbeek pour y développer un nouveau projet.
Mathis et Othmane ont interprété la chanson sur la scène principale des récentes célébrations de la Fierté à Bruxelles.
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